Ne pas payer les loyers qui ont courru pendant la période de crise sanitaire : une jurisprudence contrastée.

Pour justifier du non-paiement ou d’une demande de diminution du montant des loyers durant les périodes de confinement, les preneurs de locaux commerciaux ont tenté de développer plusieurs arguments juridiques très souvent rejetés par les juridictions.

La force majeure

Les preneurs ont soutenu que la crise sanitaire et les mesures administratives prises à l’encontre des commerces qualifiés de non essentiels constituaient des situations de force majeure au sens de l’article 1218 du Code civil, à savoir notamment l’irrésistibilité et l’imprévisibilité de l’évènement extérieur rendant l’exécution de leur obligation impossible.

Les tribunaux ont très majoritairement rejeté cette position en affirmant que le débiteur d’une obligation contractuelle de somme d’argent peut toujours s’exécuter, faisant ainsi échec à la condition d’irrésistibilité de la force majeure.

L’exception d’inexécution

Certains preneurs ont fait valoir l’exception d’inexécution afin de justifier du non-paiement des loyers durant la crise sanitaire.

Les tribunaux ont rejeté cet argument au motif que le bailleur ne manquait pas à son obligation de délivrance et que les restrictions de jouissance des locaux n’étaient pas de son fait.

La mauvaise foi du bailleur

Les juridictions ont écarter la mauvaise foi du bailleur dans le cadre des mesures de police administrative prises par le Gouvernement liées à la crise sanitaire dans la mesure où ils n’ont pas failli à leur obligation de délivrance des locaux pris à bail.

La perte de la chose louée

La jurisprudence a admis à de nombreuses reprises que la perte de la chose louée ne s’entend pas uniquement de la perte physique (incendie, inondation … ) mais également de la perte juridique résultant notamment d’une impossibilité d’accès au bien loué pour des motifs de règlementation administrative.

Certaines juridictions ont reconnu que les mesures de police administrative prises pendant la crise sanitaire ont conduit à une perte partielle de la chose à louée, en raison de l’impossibilité pour les preneurs d’exploiter leurs commerces dans des conditions normales.

Pourtant, d’autres juridictions ont affirmé que les mesures de police administrative prises à l’encontre des commerces non-essentiels n’entraînaient pas de perte partielle de la chose louée.

Elles ont notamment jugé que les locaux loués n’ont pas été détruits ou que le preneur pouvait exploiter ses locaux en dehors des périodes lors desquelles une interdiction d’ouverture au public a été prescrite, pour refuser la qualification de perte partielle de la chose louée.

Il a également été décidé que l’impossibilité d’exploiter l’activité au sein des locaux résultait de l’activité exercée dans les lieux loués et non de la chose louée, de sorte qu’il n’existait pas de perte partielle de la chose louée.

Une clarification par la Cour de cassation semble nécessaire au regard des divergences jurisprudentielles sur cette question.